Ê

Zombies

Titre

SurvivHor

Holland

Capcom

4e jour / 30 septembre 1997
Premier jour de tournage (Première partie)

La revanche du décalage horaire! Je me réveillais à 3h30 du matin. Alors que je regardais les leds rouges de l'affichage digital, je me pris à penser que l'heure aurait été parfaite pour me lever si nous avions décidé d'aller à la pêche. Cependant, il ne s'agissait pas de pêche mais de zombies! Et mon rendez-vous était prévu dans quatorze heures et demie! Avec un coup de bambou prévu pour 5h00, le jour suivant, je me préparais à affronter une journée sans fin. La télé, bien que ne passant que de l'info commerciale, ne réussit pas à me rendormir.

Cahin-caha, le temps passa et je me retrouvais à midi, en route pour l'Aéroport Los Angeles Internationnal avec une partie de l'équipe afin d'y accueillir les journalistes venant du Japon pour couvrir le tournage de la publicité.

Je dois avouer que je n'ai pas été très heureux quand j'ai vu débarquer la horde de journalistes. J'avais eu l'impression d'avoir l'exclusivité sur ce tournage. Que faisaient donc tous ces gens ici? Pourquoi personne ne m'avait parlé d'eux? Comment osaient-ils briser mes rêves?!

En retournant en minibus vers l'hôtel, je me calmais en m'estimant déjà heureux d'être simplement là. Après tout, j'avais déjà pu rencontrer George Romero et la possibilité de le voir en plein travail existait toujours. Combien de personnes ont ce genre d'opportunité dans leurs vies?

Nous roulâmes jusqu'à l'hôtel Biltmore, dans le centre ville, pour... hum... une autre réunion, celle-ci concernant le rôle de la presse et ses limitations sur le lieu du tournage. Il y fut expliqué que je serais le seul à disposer d'un accès illimité. Extérieurement, j'aquiescais d'un signe de tête à ce décret. Intérieurement, je dirais que mes sentiments se rapprochaient de la personne qui vient de tirer le bon numéro à la super cagnotte du Lotto. Les autres journalistes n'auraient que la possibilité d'être accompagné sur le plateau à certains moments très précis.

Finalement, nous arrivâmes sur le plateau peu après 16h00. Et voici comment l'odyssée commença:

(De gauche à droite et de haut en bas) L'arrière du plateau de tournage, vide - Un des hôtels où l'équipe a du se rendre - L'arrivée de Romero et Jason sur le plateau
 

Plusieurs caravanes étaient garées sur le parking, derrière la prison. Une pour les stars et leurs assistants, une pour les membres de la production et une pour Screaming Mad George et son équipe. SMG et ses employés furent les premiers à arriver, car ils avaient une douzaine de zombies à préparer pour le tournage. Les acteurs et les actrices incarnant les zombies commencèrent à arriver vers 16h30.

L'une d'entre elles était une jolie Russe blonde avec un très fort accent - le genre que j'associais aux films de James Bond. Elle me dit qu'elle n'avait aucune idée du contenu du spot publicitaire et n'avait jamais entendu parler de George Romero ou de ses films. J'éclairais sa lanterne. Ses yeux s'agrandirent démesurément et elle me dit qu'elle avait toujours voulu tourner dans un film d'horreur.

En discutant avec la plupart des acteurs, je me rendis compte qu'ils étaient émerveillés, voir un peu effrayé, de travailler pour une production aussi importante. La majorité d'entre eux n'avaient jamais travaillé pour ce genre de tournage et y participait afin d'acquérir de l'expérience avec les films à maquillage. Cependant, le meneur des zombies n'était autre que Michael Deak, qui était un habitué des rôles de morts-vivants. En fait, son premier rôle dans ce genre de job fut de tenir le rôle du zombie qui bouffa la jambe du Capitaine Rhodes, dans "Le jour des morts vivants". Il était maintenant spécialisé pour KNB, dans les rôles nécessitant des maquillages. Lorsque je lui appris qu'il allait tourner de nouveau avec Georges, il devint quasiment incohérent de joie.

George arriva une demi-heure avant que l'obscurité ne s'installe, accompagné par son assistant Jason Bareford, un homme à la voix douce qui avait été catcheur professionnel et garde du corps. Le travail s'arrêta et tout le monde se précipita sur Georges, afin de le saluer mais également de recueillir ses ordres, s'il en avait.

À ce moment précis, l'actrice russe se fraya un chemin jusqu'à George et lui dit, en lui tendant la main: "Oh, M. Romero, c'est un honneur de travailler avec vous. J'ai vu tous vos films et j'adorerais tourner dans votre prochaine production". Je compris mieux pourquoi George détestait travailler à L.A.

Affamé, je m'attaquais mon lieu favoris des plateaux de tournage: le buffet. Ils avaient été occupés à préparer différentes variétés de nourritures sur deux tables et avaient même un camion dont un des flancs recelait un grill et servait des boissons chaudes et froides. L'odeur des hamburgers et des hot dogs en train de cuir embaumait l'air autour des caravanes.

Au bout d'une des tables, se trouvait un panier rempli de petites pilules, toutes légales: des pilules de vitamine B, de ginseng, de caféine et provenant de différentes parties du corps des poissons. J'avalais une poignée de B-12 et de pilules super vitaminées en prévision de la longue veille qui m'attendait.

J'entrais ensuite dans la prison afin de voir les progrès réalisés dans la création du décor. Ce qui ressemblait quasiment à un taudis était maintenant propre comme un sou neuf. Les barreaux jaunâtres avaient été repeints en noir. L'éclairage avait été installé au premier étage et les murs avaient été percés de trous par où s'échappaient des câbles et différent matériel photographique. La première scène fut prête à être tournée à 18h30.

L'actrice principale, "Claire", commença. Elle devait marcher et repérer une ombre à travers une porte en verre dépoli. Les lettres "R.P.D. (Raccoon Police Department)" avaient été peintes sur la porte. D'un côté de celle-ci, un éclairage avait été placé de façon à pouvoir projeter des ombres dessus, tandis que ce qui ressemblait à des lanternes orientales en papier était utilisée pour créer ne lumière douce. J'observais depuis le couloir donnant sur une des cellules, Romero en plein travail. Le DP (Directeur de la Photographie) Peter Deming, et lui discutaient du tournage à venir. Adrienne était dans son costume et portait une perruque à 4000 dollars afin de correspondre visuellement à la chevelure de l'héroïne du jeu vidéo. Il y avait eu un problème un peu plus tôt avec cette perruque auburn qui était trop longue. Le prix demandé pour la couper à la bonne dimension? 700 dollars!

Je me tenais à l'extérieur, ne sachant pas trop jusqu'où je pouvais aller. Pouvais-je entrer dans la cellule? Serais-je jeté dehors, me ridiculisant ainsi devant George Romero? Que ferais-je exactement pendant le tournage de la scène? je regardais les gens qui s'affairaient à l'intérieur de la pièce. J'entendis brusquement une voix annonçant que la porte serait fermée momentanément, car elles constituait le point de la focale du tournage. Et merde, pensais-je en me glissant rapidement à l'intérieur de la pièce. Je tournais autour des éclairages, trouvait un coin d'ombre et m'y positionnais. Qui ne risque rien n'a rien, pensais-je.

Près de moi se trouvaient Inafune et Terada de chez Capcom. Puisqu'ils étaient les représentant de leur société, je présume que c'est ce qui leur donnait le droit d'être là. Prenant confiance en moi, je me rapprochais d'eux. Juste à ce moment-là, Romero regarda de mon côté. Son visage était empli d'un mélange de sérieux et d'anticipation. Je pouvais voir qu'il se préparait à donner le coup d'envoi de son premier tour de manivelle depuis des années. Eh voilà, c'est parti, pensais-je. Non seulement je vais me faire jeter, mais ça va être par George Romero en personne. Mais il n'en fit rien. Son expression, bien qu'étant toujours solennelle, était chaleureuse. Il cligna des yeux et ceux-ci perdirent la fixité qu'ils avaient précédemment. Il fit me un geste de reconnaissance de la tête et retourna à son travail.

C'est à cet instant précis que je compris. Bien que n'étant pas un habitué de son équipe, j'étais un des rouages de la production dont le but était de promouvoir Biohazard 2. En participant à cette production et en la photographiant, J'allais obtenir le matériel nécessaire à l'écriture de plus d'une demi-douzaine d'articles, quand je retournerais au Japon. Peut-être que je n'aurais pas eu autant de liberté, s'il s'était agis d'un long-métrage, un de ces films où les sensibilités artistiques rendent les gens plus agressifs. Mais les circonstances étaient différentes. Ici, j'étais un rouage de la machine aussi important que n'importe quel autre. Ma présence n'était pas simplement tolérée mais vitale.

Je marchais au milieu de l'équipe avec une confiance retrouvée. Personne n'y trouva à redire - comme je le pensais. Une vague d'adrénaline traversa mon corps. Ca va être cool, pensais-je.

Je me concentrais sur George, l'observant, essayant d'appréhender son style au mieux de mes facultés. J'avais entendu dire que son style était basé sur la quasi non-communication; que les gens semblaient savoir ce qu'il voulait obtenir. C'est ce que j'éprouvais également en le regardant travailler. Il parlait uniquement quand il pensait que c'était absolument nécessaire. Et à chaque fois, ce ne furent que quelques mots. Jamais il ne se lança dans des discours enflammés ou suppliants. Il se contenta simplement de faire état de ce qu'il voulait, en laissant son interlocuteur le réaliser à sa manière.

L'équipe et les acteurs étaient en osmose avec George. Il était comme le professeur bohème du lycée. Celui qui vous encourageait à ne rien faire mais avec lequel, pourtant, vous en faisiez beaucoup plus qu'avec certains profs à cheval sur le règlement et qui semblaient employer des méthodes empruntées aux nazis. George laissait les choses se fairent. Il demanda une chaise, se passa la main dans la barbe pendant que tout le monde s'activait et croisa ses bras tel un moderne Bouddha pendant le tournage de la scène. L'effet obtenu fut que l'équipe donna tout ce qu'elle avait dans le ventre, sans s'en rendre compte.

Ceci passa au-dessus de la tête des clients japonais (principalement à cause de la barrière de la langue et des différences culturelles). Ils se tenaient devant un écran de contrôle en couleur qui recevait l'image de la caméra de George. D'après eux, le tournage était la scène la plus cool qu'ils aient jamais vu. George plissa ses yeux en entendant leurs commentaires qu'il ne comprenait pas, haussa les épaules et retourna à son boulot. Une minute plus tard, j'entendis Romero dire au DP qu'il espérait que les clients, qui regardaient toujours le moniteur, soient satisfaits de son travail. Cet étalage d'humilité mais également de manque de confiance en soi me surpris. Mais je pensais que comme tout le monde, il voulait simplement plaire à ses employeurs. Parlant un japonais décent, je fus à même de le rassurer. Tous leurs commentaires avaient été des compliments et ils avaient même été jusqu'à dire que la production tout entière était fantastique. Une vague de soulagement déferla sur son visage. Il était innocemment heureux que son travail plaise à son client. Il retourna à son travail, sa concentration entièrement restaurée par ses éloges.

La première série de scènes furent terminées quarante-cinq minutes plus tard. C'étaient les scènes où le personnage féminin "Claire" apparaissait derrière la vitre dépolie, rencontrait le perso "Léon" et attrapait l'arme que celui-ci lui lançait. Romero déclara que ces scènes étaient terminées et demanda à l'équipe de se rendre sur un nouveau lieu de tournage. Sur une impulsion, je me rendis près de George dont les cheveux collaient au front, suite au mélange de la chaleur des spots et à l'humidité de la machine à brouillard.

"George", l'appelais-je, "Félicitations!"

"Pourquoi?"

"Eh bien, ca fait longtemps que vous n'avez plus rien fait et c'est un plaisir de vous voir à l'œuvre".

Il fut secoué d'un gros rire et son fameux sourire lui éclaira le visage. "Pareil pour moi. C'est agréable de se voir travailler". Nous nous sourîmes et je lui tapais amicalement sur l'épaule.

Pendant ce temps, à l'extérieur, Mad George et son équipe avaient travaillés d'arrache-pied pour présenter des zombies parfaits pour leur première séquence; la scène finale où Léon et Claire sont encerclés par des morts-vivants. Il avait été prévus dix zombies et deux "bras zombifiés". Les zombies terminés étaient près depuis une demi-heure. Ils avaient tous suffisamment de cicatrices et de chair arrachées pour dégoûter le plus endurci des fans. Il y avait un flic zombifié, habillé d'un uniforme bleu déchiré et armé d'un vieux pistolet. Il y avait un zombie affublé d'un uniforme souillé de Federal Express. Il y avait une zombie d'une quarantaine d'années et un petit zombie dans un sweater avec un truc ressemblant à du chocolat qui lui dégoulinait du crâne. Il s'agissait de la seule restriction qui avait été imposée à Mad George: il n'avait pas le droit de montrer une seule goutte de sang. Il avait contourné cette difficulté en proposant un look "sang coagulé" pour ses zombies. En les peignant avec une couleur brunâtre, il leur avait fait franchir une nouvelle étape dans la décomposition en les rapprochant ainsi des zombies tournant dans "Le jour des morts-vivants".

Les zombies étaient rassemblés dans une pièce qui se trouvait à quelques cellules du lieu du prochain tournage. Alors que l'équipe s'installait, je décidais de prendre quelques photos et d'interroger les acteurs. Étant donné qu'il s'agissait de mon premier contact avec un tournage incluant des zombies, je n'étais absolument pas préparé au réalisme des maquillages des figurants. J'avais toujours pensé qu'il s'agissait plus ou moins d'un effet technique lié aux caméras et qu'il n'apparaîtrait pas réaliste pour deux sous à l'œil réel - Quelle erreur.

Tout, dans leur apparence, était dérangeant. Parler avec eux équivalait à discuter de la pluie et du beau temps avec Elephant Man. Il était absolument impossible de dire que leur apparence était celle de Monsieur Tout le Monde. Ce groupe de gens ressemblait à un groupe de morts-vivants - si la chose est possible. Leurs blessures étaient cruelles et exposées sans pudeur; leurs cheveux aplatis et emmêlés d'une façon inextricable; leurs vêtements étaient déchirés et salis, comme s'ils avaient été récemment exposés à la furie des éléments. Il n'y avait aucune erreur possible - il s'agissait bien de zombies!

Ils furent bientôt appelés pour le tournage. Bien que la scène soit prévue sans le son, ils grognaient avec conviction. Je me trouvais un emplacement dans l'obscurité, derrière des éclairages, et j'observais la progression des zombies après que Romero eu crié "Action".

La scène finale fut enfin terminée. Les zombies y étaient censés encercler les héros qui se préparaient à vendre chèrement leurs vies. Romero avait prévu de reculer la caméra afin de révéler plusieurs morts-vivants au premier plan. Ces zombies n'étaient maquillés que jusqu'aux épaules. L'Acteur X cherchait l'expression qui conviendrait le mieux à son personnage. La scène fut jouée jusqu'au moment où Romero s'estima satisfait. La caméra allait et venait. L'Acteur X et Adrienne levèrent leurs armes alors que les zombies resserraient leurs étaux autour d'eux.

La scène fut rejouée plusieurs fois jusqu'au moment où Romero s'estima satisfait. Adrienne termina sa participation au tournage avec cette scène finale.

La scène suivante était la numéro 16. Il s'agissait de montrer des zombies s'agitant derrières les barreaux d'une cellule. La caméra était très proche des acteurs et Romero avait placé les zombies les plus répugnants au premier plan. Le DP préposé à la caméra effectua ses réglages, sa jambe cassée (il s'était blessé la veille) reposant sur un des montants de l'appareil. Il fallu plusieurs répétitions pour régler tous les détails.

Jusqu'à présent, l'attitude de Romero avait semblée être un peu sombre. Il était difficile d'estimer ce qu'il pouvait penser. D'un côté, il semblait parfaitement maîtriser sa vision et être presque détaché émotionnellement de son travail. D'un autre côté, il semblait presque indifférent aux différentes scènes, les tournant les unes à la suite des autres comme un ouvrier sur une chaîne de production à l'usine. Avec cette séquence n'incluant que des zombies, l'attitude tout entière de Romero changea. Après la première prise, ce sourire chaleureux qui était sa marque de fabrique, réapparu. Il semblait heureux. L'effet s'en fit rapidement ressentir sur tout le plateau. Le tournage était en train de devenir amusant - réellement amusant.

La scène suivante était beaucoup plus difficile. Elle consistait à montrer l'Acteur X observant en cachette, depuis une fenêtre du premier étage, une foule désordonnée de zombies devant l'entrée du commissariat. À l'extérieur, plusieurs zombies avaient été placés à des endroits précis. Une voiture de police avait été trafiquée afin de contenir un pot pyrotechnique. Un projecteur avait été placé sur une grue, afin de suggérer qu'il provînt d'un hélicoptère, et était près à entrer en action.

(de gauche à droite et de haut en bas) Romero se fait prendre en photo avec des figurants - Romero et Jason - Romero et Michael Deak - Romero et Screaming Mad George - une galerie de zombies

Le texte est © Wesker pour SurvivHor © 2001, tous droits réservés